Le harcèlement domestique

Il ne crie pas toujours. Il ne frappe pas forcément. Mais il colonise. Le harcèlement domestique est une guerre d’usure, une stratégie de démolition lente, souvent invisible. Derrière les murs, dans les silences, dans les regards qui glissent, il installe son empire. L’agresseur, parfois un pervers narcissique, manie l’injonction paradoxale comme une arme : « Je t’aime, mais tu me déçois. » « Tu es libre, mais tu me trahis. »

Dans cette mécanique, la victime devient funambule sur le fil de la culpabilité. Elle doute d’elle-même, s’épuise à vouloir comprendre, réparer, plaire. Le corps parle : insomnies, douleurs diffuses, crises de panique. Il devient le théâtre du conflit, le dernier bastion d’une identité mise à mal.

« Le harcèlement moral est une violence perverse. Il s’agit d’une stratégie de destruction psychologique. » — Marie-France Hirigoyen, Le harcèlement moral dans la vie privée et professionnelle

L’agresseur utilise des doubles contraintes pour enfermer la victime dans une impasse psychique. Elle doit obéir sans savoir à quelle règle, aimer sans recevoir, se taire sans être accusée de froideur. Chaque réponse est une faute. Chaque silence est une trahison. C’est le règne du non-sens imposé.

Cette logique perverse crée une dissociation : la victime se coupe d’elle-même pour survivre. Elle devient étrangère à ses propres émotions, à ses désirs, à sa mémoire. Le monde devient flou, instable, dangereux.

« Le harceleur agit comme un prédateur. Il repère les failles, les faiblesses, et les exploite pour mieux dominer. » — Marie-France Hirigoyen

Les patient·es ne viennent pas toujours pour parler du harcèlement. Souvent, ce sont les conséquences qui les amènent : une fatigue chronique, des troubles anxieux, une perte de repères. Mais certains déclencheurs sont récurrents :

La crainte pour les enfants : peur que les violences psychiques contaminent la relation parent-enfant, que les enfants deviennent témoins ou victimes à leur tour.

Le sentiment d’effondrement intérieur : ne plus se reconnaître, ne plus réussir à penser, à décider, à ressentir.

L’isolement : la coupure progressive des liens sociaux, familiaux, professionnels.

Le besoin de validation : entendre enfin que non, ce n’est pas « dans la tête », que oui, ce qu’ils vivent est une forme de violence.

Face à cette violence insidieuse, l’espace de parole offert par le psychologue devient un lieu de reconstruction. Ce n’est pas un simple échange verbal, mais un cadre contenant, sécurisant, où la parole peut se déposer sans crainte d’être jugée ou détournée.

La posture du psychologue est faite de présence, d’écoute active, de neutralité bienveillante. Il ne cherche ni à convaincre ni à imposer, mais à accueillir ce qui est là, dans sa complexité et parfois son chaos. C’est dans cette rencontre que la victime peut commencer à réassocier ses émotions, à nommer l’indicible, à reconstruire une cohérence intérieure.

La bienveillance n’est pas molle : elle est ferme, stable, constante. Elle offre un miroir sans déformation, une main tendue sans emprise. Peu à peu, la personne harcelée peut retrouver le fil de soi, réhabiter son histoire, et réaffirmer ses frontières.